Préambule
Il y a du talent parmi les abonnés de La Chaîne Guitare. Hervé Kolmayer n'en manque pas puisque c'est lui qui a entièrement écrit cet article en trois parties qui donne une perpective que je trouve passionnante sur les mythiques Stratocaster fabriquées en 1954.
Partie 1 - Partie 2 - Partie 3
Un immense merci à toi Hervé pour cette contribution !
Si vous aimez les belles histoires de guitare je vous recommande aussi :
Pierre Journel.
Sommaire
Partie 1
- Introduction
- Vérités et idées reçues
- Variabilités importantes entre les instruments
- Caractéristiques les plus courantes d'une Strat 54
- Album photo complet
Partie 2
- L’évolution de la Stratocaster en 1954
- La période des prototypes
- Fender Stratocaster 1953 – prototype
- The Furniture Polish Guitar
Partie 3 (cet article)
- La pre-production
- La localisation du numéro de série
- Les plastiques
- Les variations
- Les contantes de fabrication
- La production
La pré-production
Elle s’étend de fin mars à fin septembre 1954.
En mars 1954, s’appuyant sur une phase de prototypage jugée concluante, Léo Fender validait définitivement le projet Stratocaster et lançait la phase de pre-production de son nouveau modèle. Dans les mois qui allaient suivre, un petit nombre d’exemplaires allaient être fabriqués à la chaine dans l’usine Fender de manière à industrialiser le processus en vue d’une production à plus grande échelle et à ajuster certains détails mineurs sur l’instrument.
Les Stratocasters fabriquées durant cette période s’illustrent donc par une certaine hétérogénéité entre elles : d’abord en raison d’ajustements mineurs qui sont réalisés par Fender au fil de l’eau sur son modèle (la forme du sélecteur de micro par exemple), ensuite en raison de processus de fabrication restant majoritairement manuels qui engendrent des différences entre 2 instruments fabriqués à la suite l’un de l’autre (les contours précis du corps, par exemple, fonction d’un ponçage plus ou moins appuyé par l’employé Fender).
D’un point de vue du guitariste musicien, les ajustements réalisés par Fender entre le début et la fin de la phase de pre-production n’auront aucune incidence. Ils n’impacteront pas la jouabilité de l’instrument mais uniquement l’esthétique et la facilité de fabrication.
D’un point de vue de l’historien et du collectionneur, ils constituent par contre un véritable casse-tête. En effet, la période de pre- production engendrant par définition des modifications mineures au fil de l’eau des processus de fabrication et des instruments produits, l’expertise pour identifier une Stratocaster 1954 de pre- production comme étant d’origine, modifiée voire de contrefaçon peut s’avérer un exercice périlleux.
A titre d’exemple, on sait que Fender a réalisé vers mai-juin 1954 des ajustements de peinture sur une poignée de modèles déjà terminés, jugeant non concluant le Sunburst 1 ton obtenu. Seuls quelques micros-détails connus d’une poignée d’experts permettent dès lors d’identifier un modèle original de pre-production d’un modèle qui aurait pu être reverni ultérieurement à sa fabrication en usine.
Paraissant insignifiant, le marché actuel de l’argus de la Stratocaster 1954 chiffre toutefois ce « détail » à plus ou moins quelques milliers d’euros.
Revenons-en à la phase de pre-production en elle-même. Comme nous l’abordions plus tôt, de nombreuses modifications sur l’instrument, plus ou moins subtiles, ont jalonné cette phase. Parmi elles, les plus marquantes ont été la localisation du numéro de série et la fabrication des plastiques. Ce sont généralement ces changements qui sont choisis pour délimiter les différentes phases de la pre- production dans l’année.
La localisation du numéro de série
A l’origine, Fender fait le choix d’indiquer le numéro de série de la guitare sur la plaque plastique qui couvre la cavité tremolo à l’arrière de la guitare (Photo 30).
Une première série d’instruments est produite de cette manière entre mars et mai 1954. Les numéros de série commencent à 0100 et vont jusqu’à 0213 environ. Une majorité d’experts s’accordent donc à penser que la Stratocaster portant le numéro de série 0100 est ainsi la première Stratocaster construite, prototypes mis à part. Ce point fait débat, nous y reviendrons lors d’un chapitre dédié aux numéros de série.
Aujourd’hui, 46 Stratocasters appartenant à ce lot sont formellement identifiées. En raisonnant sur le numéro de série, on comprend que ce premier lot comprenait donc entre 46 et un maximum de 215 instruments. En raison de la numérotation plutôt hasardeuse de l’époque, fort est à parier qu’on serait plutôt proche de la fourchette basse. Inutile de préciser que ces Stratocasters sont généralement les plus recherchées par les collectionneurs. La part d’entre elles demeurant aujourd’hui dans un bon état et d’origine est extrêmement limitée.
En 1954, Léo Fender se rend rapidement compte que la numérotation de la guitare sur la plaque de Tremolo n’est pas viable. En effet, la plaque Tremolo est trop facilement séparable de la guitare et le risque de perte qui en découle est important. De plus, la problématique des plastiques extrêmement fragiles sur ces premières version l’accentue encore davantage, par le risque de cassure de cette plaque. Par conséquent, en mai 1954, Fender décide d’abandonner la numérotation sur la plaque de tremolo et la transfère sur la plaque métallique de jonction corps manche (Photo 31). Ce choix restera en vigueur par la suite et pour de nombreuses années à venir.
Les Stratocasters portant le numéro de série sur la plaque de jointure sont numérotées entre 0001 et 0099, puis au-delà de 0221. J’attire l’attention du lecteur sur l’absence de lien fort entre le numéro de série et l’ordre de production. En particulier, les Stratocaster de fin mai – juin 1954 portent généralement des numéros de série compris entre 0221 et 300 alors que les numéros de série inférieurs à 0100 ne commencent à apparaitre qu’à partir de juillet 1954.
Les plastiques
Nous entendrons par plastiques le pickguard, les cache-micros, le bouton de sélecteur et les 3 boutons « Volume – Tone – Tone ». Nous mettrons de côté ici le plastique de l’extrémité de la tige de vibrato dont la forme n’a que très peu évoluée au cours de l’année.
Les plastiques ont constitué une source d’ennuis, ou au moins d’interrogation, pour Léo Fender en 1954, tant concernant la matière que la forme. Il est coutume de dire que 3 générations de plastiques se sont succédées durant l’année 1954 :
- 1ère génération (mars – juillet 1954) : le plastique utilisé est dit « marbré » parce qu’il avait un aspect inhomogène et luisant rappelant le marbre (Photo 32). Parfois il laissait transparaitre les éléments du dessous là où il était assez fin : en particulier au niveau des cache-micros où l’on pouvait distinguer le plastique noir des micros par transparence sur certains modèles. En termes de formes, les angles des cache-micros sont arrondis, les boutons « Volume – Tone – Tone » sont à dit à « jupe courte » et le sélecteur de micro est de forme ovoïde.
Ces plastiques sont connus pour être extrêmement fragiles, allant même jusqu’à casser régulièrement au moment du montage en usine. Les coups de médiator faisant le reste, ils se brisaient très régulièrement lorsque la guitare était jouée. Pour cette raison, il est très rare de retrouver à ce jour une guitare qui dispose de l’ensemble de ces plastiques.
- 2ème génération (juillet – septembre 1954) : devant la fragilité des plastiques de première génération, Fender réagit en modifiant le matériau pour passer sur du polystyrène (dit « Bakelite ») (Photos 33, 34). Les moules des plastiques, donc la forme, reste eux inchangés. Ce sont des copies de cette version des plastiques que se retrouvent généralement dans le commerce sous la dénomination « Stratocaster 1954 reissue » et qui contribue à différencier l’instrument des modèles de Stratocasters des années ultérieures.
- 3ème génération (octobre – décembre 1954) : les boutons restant jugés trop fragiles, Fender en modifie une dernière fois leur forme au moment du démarrage de la production. Apparaissent alors les boutons dit « à jupe longue » et le sélecteur de position dont la forme est encore celle que nous connaissons aujourd’hui (Photo 35). De la même matière, Fender abandonne les bords arrondis de ses cache-micros pour passer sur des bords saillants. Ces nouveaux moules de cache-micros resteront utilisés jusqu’en 1956.
Quelques autres variations
La liste exhaustive et détaillée serait trop longue à aborder dans le cadre de ce dossier, voici toutefois pour le lecteur curieux une liste d’autres éléments qui ont évolué en cours de pre-production :
- Finition du Sunburst : passage progressif de 1 ton à 2 tons
- Valeur des potentiomètres de tonalités (100 et 250 kOhms)
- Défonce du bois dans la cavité du micro chevalet (Photos 36, 37)
- Type de ruban pour le calage des micros sur le ressort
- Type d’étui (Poddle jusque juillet 1954 puis rectangulaire)
- Position du bloc-corde sur la tête de la guitare
Les constantes de fabrication
Contrairement aux éléments des paragraphes précédents, d’autres sont restés stables tout au long de l’année 1954. Parmi eux, il est intéressant de citer :
- Les manches : systématiquement en érable 1 pièce, avec insertion d’un trussroad par l’arrière, ils sont estampillés « TG » suivi du mois et de l’année de fabrication sur le talon (Photo 38). Ces inscriptions correspondent à l’employé Tadeo Gomez qui était en charge de la fabrication des manches à cette époque. Le profil des manches est généralement de type « D ». Très rarement, l’érable du manche est flammé voire moucheté.
- La datation du corps : les corps de Stratocasters étaient estampillés de leur mois de fabrication sous dans la cavité tremolo (Photo 39), soit dans la poche de fixation du manche pour les modèles à chevalet fixe
Photo 39 Cavité tremolo la Stratocaster #0967. L'estampillage "8/54" indique un corps fabriqué au mois d'aout 1954. Notez que les pièces étaient fabriquées dans l’usine de manière totalement indépendante. Il est donc courant de retrouver des guitares avec des pièces fabriquées à différents mois, parfois même très éloignés ©Inconnu
- Le « masking tape » d’assemblage : Certaines Stratocaster disposent au niveau de la cavité de l’électronique d’un scotch indiquant la date d’assemblage finale de la guitare et du nom de l’employé qui l’a réalisé (Photo 40). On retrouve par exemple régulièrement l’écriture « Gloria », pour Gloria Fuentes ancienne employée de l’usine Fender, mais également Virginia, Maria ou Eleonore. Ce morceau de scotch se décollant assez facilement certaines Stratocaster de 1954 n’en dispose plus. Il est difficile de savoir si la pose de cette indication était systématique à l’époque.
Photo 40 L'assemblage de cette Stratocaster #0015 a été finalisé le 26 juillet 1954 par Virginia. Eric Johnson surnomma sa guitare « Virginia » après avoir découvert une étiquette du même type, datant pour sa part du mois de juin 1954.
La production
Le modèle de Stratocaster ainsi que les processus de fabrication stabilisés, la production de la Stratocasters démarre vers octobre 1954 avec des numéros de série aux alentours 0650. Dans son livre « Fender – The Inside Story », Forrest White, ancien responsable de la production à l’usine Fender, évoque une première commande de 200 guitares à honorer en octobre 1954.
Sont strictement identifiées et référencées aujourd’hui une centaine de Stratocaster datant de cette période de 3 mois (octobre – décembre 1954). Compte-tenu des collections très privées et des musiciens ne souhaitant pas exposer leurs instruments à la communauté, on peut facilement imaginer qu’il en reste beaucoup plus. En basant notre raisonnement sur les numéros de série uniquement, on pourrait extrapoler jusque 600 Stratocasters produites durant cette période.
IV - La légende et ses mystères
La légende de la Stratocaster 1954 serait moins savoureuse s’il ne demeurait pas quelques mystères. La documentation à l’époque était presque inexistante et les principaux protagonistes de l’épopée Fender ont désormais disparu : certains aspects resteront alors probablement pour toujours sans réponse.
Certes, l’Internet regorge d’experts auto-déclarés et de vendeurs, qui se déchirent sur des forums et autres groupes Facebook, le plus souvent sans élément factuel à qui parlera le plus fort.
Prenons ces éléments avec tout le recul qu’ils méritent, là où George Grühn et André Duchossoir ont eux-mêmes fait preuve d’humilité.
Alors à moins que l’histoire vienne un jour à s’écrire à coup de «like» ou de «followers», les 3 sujets qui suivent ne nous révèleront probablement jamais intégralement leurs secrets.
Ciel mon Serial !
Aujourd’hui, nous savons que les numéros de série des Stratocaster de 1954 sont compris entre 0001 et 1208, et entre 6327 et 8384. Ces derniers instruments, aux numéros de série au-delà de 6000, correspondent à des productions de fin d’année.
Il est dit qu’aux alentours de novembre, Fender est passé directement aux numéro 6XXX pour homogénéiser les numéros de série des Stratocasters avec les autres instruments produits dans l’usine.
Néanmoins, mis à part confirmer une numérotation à 4 chiffres, Fender ne s’est jamais officiellement exprimé sur sa méthodologie de numérotation des Stratocasters en 1954. L’entreprise ne tenait par ailleurs à cette époque aucune registre permettant de suivre les guitares produites.
D’autre part, ni Fender ni rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que tous les numéros de série ont été produits. On raconte souvent que les employés prenaient les plaques disponibles dans une grande boite, sans se soucier du numéro de série et que cette boite pouvait également être utilisée pour d’autres instruments.
Dans le référencement officieux le plus complet qui a été réalisé à ce jour, aucune Stratocaster portant le numéro de série 1112 n’a par exemple été référencée. Ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas mais ne prouve pas non plus son existence.
Pour conséquences :
- Il n’existe malheureusement aujourd’hui aucun procédé sûr permettant de valider à partir d’un numéro de série à quatre chiffres qu’il s’agit bien d’une guitare produite par Fender en 1954
- Le numéro de série seul ne permet généralement pas non plus de dater exactement la période de production de l’instrument dans l’année, ni d’affirmer qu’un instrument a été construit avant un autre
Par ailleurs, la Stratocaster portant le numéro de série 0100 sur la plaque cache-tremolo est communément admise comme étant la première Stratocaster hors prototype assemblée en usine en 1954. D’après les spécifications de l’instrument et les dates présentes sur le corps et le manche (janvier 1954 pour le manche, avril 1954 pour le corps), on peut légitiment croire que Fender a démarré la numérotation à 0100.
Il n’existe cependant aucune preuve matérielle qui le certifie (NB. Les numéros de série en-dessous de 0100 existent mais ont été introduits par Fender plus tardivement dans l’année, sur la plaque métallique de jonction corps-manche, correspondant à la 2ème phase de la pre- production).
A l’autre extrémité, la Stratocaster portant le numéro de série #8384 est aujourd’hui la Stratocaster connue comme le plus tardivement réalisée en 1954. Elle a été assemblée par l’employée Virginia le 29 décembre 1954.
Ça fait combien de guitares au fait ?
Autre impact lié aux numéros de série, le nombre de Stratocaster produite en 1954 est parfaitement inconnu.
Fender n’a jamais officiellement ni officieusement communiqué à ce sujet. L’absence de registre de production rend l’exercice encore plus complexe.
Notons qu’une Stratocaster de 1954 porte cette dénomination si elle été assemblée courant 1954. Des guitares mixant des manches et des corps de 1954 et 1955 (et réciproquement) existent et sont considérées comme des Stratocaster de 1955.
Il a été longtemps dit et écrit que le nombre de Stratocasters assemblées en 1954 se situait aux alentours des 250 exemplaires. Avec les connaissances d’aujourd’hui, je pense pour ma part que le nombre réel est bien plus élevé.
- La liste officieuse dite « liste Werner » répertoriait des instruments vintage Fender et notamment de 1954 et a été utilisée il y a 20 à 30 ans pour estimer qu’un petit nombre de Stratocasters a été produit en 1954. Cette liste référençait certes des Stratocasters de 1954 mais ne se voulait en aucun cas exhaustive, sous-évaluant donc le nombre de Stratocaster réellement produites.
- Forrest White dans son livre « Fender – The Inside Story » mentionne effectivement une 1ère commande de 200 instruments à produire à partir d’octobre. Il n’y mentionne cependant jamais la pre-production déjà écoulée ni d’autres commandes potentielles sur fin 1954.
- L’Internet et les améliorations des systèmes de communication de manière générale a grandement facilité la diffusion des informations depuis le début des années 2000. Un travail d’une communauté de passionnés, entamé il y a 15 ans, a permis à ce jour de référencer 450 Stratocasters produites en 1954. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, tant elle pourrait s’enrichir encore de certains instruments de collections très privées, de musiciens ou de possesseurs ne souhaitant exposer leur instrument pour le moment.
Le nombre Stratocasters fabriquée en 1954 ne sera donc probablement malheureusement jamais connu avec précision. Les capacités de production de l’époque ne permettaient certainement pas de couvrir l’ensemble de la plage des numéros de série des Stratocasters de 1954 (0001 à 1208 et 6327 à 8384, soit environ 3 200 instruments).
La vérité est très certainement également assez supérieure aux 450 instruments déjà référencés.
Frêne, Sassafras, Epicéas ou Pin ?
Dernier mystère, celui des bois utilisés pour le corps de Stratocaster. Ce débat est récent et déchire la communauté de passionnés. Il a probablement été attisé en 2020 par Fender et la réalisation d’un modèle de Stratocaster 1954 Eric Johnson avec un corps en bois de sassafras. Donnant par la même du crédit, réel ou commercial, à l’utilisation potentielle d’autre bois que le frêne en 1954.
A l’exception d’un modèle réputé en épicéa et qui était exposé au célèbre Songbird Museum aux Etats- Unis, il était communément admis que les corps des Stratocasters de 1954 étaient tous fabriqués en frêne. Beaucoup d’interrogations circulent actuellement sur certains corps, à la marge, qui seraient construits en sassafras, épicéa et autre pin.
Je me garderai pour ma part de prendre position ici notamment parce qu’il n’y a à ma connaissance pour le moment aucun élément factuel permettant d’étayer cette thèse et que le grain du frêne varie très fortement selon le sens de sa découpe.
Tous ces mystères entretiennent encore aujourd’hui de nombreux débats et la passion pour cet instrument près de 70 ans après son apparition.
V - Galerie de quelques Stratocasters 1954 remarquables
De par leurs spécifications particulières, leur histoire, leur date de fabrication ou leur célèbre propriétaire, certaines Stratocasters de 1954 sont des joyaux parmi les joyaux. En voici un petit panaché.
Numéro de série | Spécificités |
0001 | Stratocaster ayant appartenu à David Gilmour, visible lors du concert célébrant le 50ème anniversaire de la Stratocaster. (Photo 43) Contrairement à son numéro de série, il ne s’agit pas de la 1ère Stratocaster. Le légende raconte que cette plaque 0001 a été installée sur la guitare à la fin des années 60. Plus d’informations sur cette Stratocaster son disponible sur le site web www.gilmourish.com Cette guitare a été vendue aux enchères par Christie’s en 2019. |
059 | Modèle appartenant à Mark Knopfler (Photo 44) |
0100 | 1ère Stratocaster sortie d’usine, hors prototype (Photo 45) |
0159 | Stratocaster de couleur noire appartenant à Yngwie Malmsteen (Photo 46) |
0176 | Stratocaster exposé à la Cité de la Musique à Paris (Photo 47) |
0213 | Dernière Stratocaster connue possédant son numéro de série sur la plaque de Tremolo |
0234 | Modèle ayant appartenu à Robbie Robertson (The Band) (Photo 48) |
0463 | Modèle ayant appartenu Karl Olmsted (Photo 49) |
0504 | Modèle ayant appartenu à Ed King de Lynyrd Skynyrd (Photo 50) |
0569 | Modèle Eldon Shambin (Photo 51) |
0585 | Stratocaster « Miss Daisy » appartenant au musicien français Jean-Pierre Danel (Photo 52) |
0706 | Modèle ayant appartenu à la collection de Richard Gere (Photo 53) |
0707 | Modèle ayant appartenu à Joe Bonamassa (Photo 54) |
0925 | Modèle Custom Color d’usine (couleur “Desert sand”) (Photo 55) |
6699 | Modèle pour gaucher en finition Mocka, appartenant à la collection de Steven Seagal (Photo 56) |
7431 | Modèle à chevalet fixe (Hardtail) ayant appartenu à Eric Clapton (Photo 57) |
8384 | Dernière Stratocaster connue construite en 1954 |
Photo 45 Stratocaster #0100 ©GruhnGuitars. Cette guitare a été vendue il y a 5 ans aux alentours de 200 000 $ par Gruhn Guitars à Nashville.. Notons le sunburst dit 1 ton ou "no yellow", caractéristique des premiers modèles avec une absence de jaune au centre de la guitare.
V - Conclusion
Léo Fender et ses acolytes ont donné naissance à un instrument mythique voilà bientôt 70 ans de cela. Ce dossier nous a permis de découvrir que la route menant de la Telecaster à la Stratocaster a parfois été sinueuse, jalonnée de doutes et de tentatives infructueuses. Le succès à la clef a néanmoins été le fruit d’une démarche réfléchie et ingénieuse entamée par Léo Fender auprès des musiciens.
L’humilité et l’écoute dont il semble avoir fait preuve à l’époque, probablement imposées par son statut de « non guitariste », ont été un facteur de réussite important. Sans minimiser les qualités de la Stratocaster en tant qu’instrument et ce dès son lancement, ayons le courage d’admettre que le succès des musiciens l’ayant adopté a surement en partie également forcé son destin.
La Fender Stratocaster de 1954 est aujourd’hui devenue un instrument légendaire de par sa rareté mais surtout de par les milliards de guitares qu’elle a engendrée dans son sillage. Force est de constater qu’elle peuple en 2022 davantage les musées et collections privées que les scènes musicales. Bonne ou mauvaise chose ? Je laisserai ici le lecteur libre de se faire une conviction et d’en interpréter les raisons.
Ce dossier aura également voulu mettre en exergue la complexité d’expertise de ces instruments pourtant si simples d’apparence. Des zones d’ombres persistent autour de la fabrication des Fender Stratocaster de 1954. La nature a horreur du vide et malheureusement, la menace planera toujours d’un webonéo-expert ou vendeur malhonnête tenté de les combler à coup d’histoires abracadabrantesques.
Alors à moins vous soyez proche ou tenté de mettre la main sur ce graal de 1954, oublions un temps ces considérations mercantiles. Gardons notre âme d’enfant et continuons à nous extasier devant ce merveilleux morceau d’histoire.
Hervé Kolmayer - Août 2022